Le projet ACTERRÉA

21 juin 2017

Le projet ACTERRÉA répond au défi que pose le besoin clinique d'une personnalisation des soins apportés aux personnes hospitalisées en situation critique. Il semble qu'il soit enfin possible de le relever, grâce au recueil et à l'organisation de données médicales massives en vue de leur exploitation en temps réel par des algorithmes innovants d'apprentissage et d'inférence tirant profit de modélisations numériques du corps humain.

Emergence des données massives en médecine et médecine personnalisée

Depuis une dizaine d'années, l'émergence des données massives a entraîné des progrès considérables à la croisée des domaines de l'informatique, de l'apprentissage et de la statistique, pour ne citer que ceux-ci. Parmi les grands défis qu'il a fallu relever figurent entre autres (a) ceux du stockage, de l'organisation et de la gestion des bases de données massives pour la communauté informatique; (b) celui de l'extraction rapide et non nécessairement supervisée de connaissances tous azimuts pour la communauté de l'apprentissage automatique; (c) ceux de la définition de paramètres pertinents et de leur inférence maîtrisée accompagnée d'indices de confiance pour la communauté statistique. Les grandes avancées théoriques et appliquées qui en ont découlé ont de facto renforcé l'ubiquité des données massives ainsi que les élans d'espoir, et de crainte, tous deux justifiés, que celles-ci suscitent.

En particulier, l'irruption maintenant généralisée des données massives en médecine a poussé au premier plan le concept de médecine personnalisée. La Food and Drug Administration (FDA), définit la médecine personnalisée comme une pratique médicale assurant l'administration “au bon patient du bon médicament au bon moment et au bon dosage”. Plus généralement, la médecine personnalisée (ou “de précision”) a vocation à adapter le traitement aux caractéristiques et aux besoins individuels de tout patient à toute étape du parcours de santé. Ainsi aux Etats-Unis, par exemple, l'Administration du Président Obama a-t-elle lancé en 2015 la Precision Medicine Initiative, financée par le National Health Institute (NIH) à hauteur de 72 millions de dollars. Parallèlement, cet effort national est soutenu à l'échelle des états par des initiatives telles que la California Initiative to Advance Prevision Medicine.

La notion-même de médecine personnalisée peut pourtant sembler redondante. En effet, la pratique ancestrale de “l'art de la médecine” s'appuie certes sur un savoir commun mais également sur son interprétation subjective à l'aune de son expérience et, typiquement, des résultats d'un examen clinique du patient. Elle est donc intrinsèquement personnalisée. Cependant, une telle lecture de la pratique médicale néglige de multiples bouleversements récents dans la pratique de la médecine. Ainsi, le début du vingtième siècle a été marqué par d'importants efforts entrepris pour homogénéiser celle-ci grâce à l'élaboration de recommandations formalisées par des comités d'experts. La pratique médicale dans son ensemble en a sans aucun doute largement bénéficié, au prix d'une individualisation moindre. De surcroît, en plaçant les essais contrôlés au cœur du dispositif de recherche scientifique d'effets causaux, à juste titre du fait de leur robustesse et de leur relative fiabilité, la médecine factuelle (en anglais, “evidence-based medicine”) s'est concentrée sur des investigations à l'échelle populationnelle par opposition à l'échelle individuelle.

ACTERRÉA, apprentissage ciblé et temps réel en réanimation

Chez les patients hospitalisés en réanimation, tous les organes sont susceptibles à tout moment de cesser de fonctionner normalement. Etre capable de devancer un tel dysfonctionnement juste avant qu'il n'intervienne, en en détectant l'imminence, en suggérant une intervention thérapeutique appropriée et en l'administrant, pourrait rendre moins difficile la tâche des médecins. Or, le monitorage continu des paramètres vitaux (fréquence cardiaque, pression artérielle, saturation en oxygène, notamment) et les tests biologiques pratiqués chez ces patients produisent des données massives. Au cours de la phase initiale du projet, les enjeux sont (a) la mise en place un système de recueil et d'organisation en temps réel de ces données et (b) le développement d'algorithmes innovants d'apprentissage et d'inférence en temps réel à partir de celles-ci. A moyen terme, nous souhaitons créer des outils d'aide en temps réel à la décision personnalisée permettant au clinicien de mieux adapter en continu sa thérapeutique pour les patients en situation critique et de tester leur bénéfice clinique par la conduite d'essais cliniques.